dernière mise à jour : 23/04/08

Audenarde

Sauvenière, fin avril 2008.

Bonjour à tous et à  toutes, copains et copines !

C’est avec beaucoup d’enthousiasme que nous avons repris la découverte de notre petite Belgique.

But de la première excursion de la saison : Audenarde ou Oudenaerde.

Audenarde arrosée par l’Escaut est une des villes d’art flamandes les plus renommées.

Là s’estompent les derniers reliefs des Ardennes flamandes, si bien définies par Félix Timmermans, comme « le plus beau pays de collines éclairé par l’Escaut, plus beau que les tapis qu’on y tisse ».

Le premier édifice qui attire le regard lorsqu’on arrive  au centre est le magnifique hôtel de ville, bien qu’un peu dissimulé lors de notre arrivée par les échoppes du marché hebdomadaire. Ce bâtiment est le plus typique de la commune. Puis viennent l’église gothique sainte Walburge et la belle halle aux draps du XIVe siècle.

L’hôtel de ville de style gothique flamboyant, œuvre du Bruxellois Van Pede, s’inscrit dans la lignée des hôtels de ville de Bruxelles et de Louvain et demeure un des plus beaux exemples de l’architecture civile du pays. Cette châsse de pierre, ouvragée telle une dentelle, reste malgré la richesse de son ornementation une merveille de grâce et de légèreté.

La façade principale repose sur sept arcades: Au centre s’élève une tour en saillie de 40 m surmontée d’un dôme ajouré en forme de couronne que coiffe le légendaire Hanske Krijger (Petit Jean le guerrier) protecteur de la cité.

La collégiale Ste Walburge

est un exemple typique des techniques d’agrandissement d’un édifice. Elevée au XIIe siècle, époque d’où datent le chœur, les collatéraux et le mur est du transept, elle fut plusieurs fois transformée. Au XVe siècle, le chevet polygonal et les grandes ouvertures, puis le vaisseau actuel de style brabançon, et enfin la massive tour.

La flèche baroque ne prit place au sommet qu’en 1620.

A  l’intérieur, de belles tapisseries, plusieurs tableaux intéressants et une Piéta polychrome du XIVe siècle retiennent l’attention de même que le riche trésor d’orfèvrerie.

Des anciens remparts de la ville il ne subsiste qu’une porte romane.

Par contre un monument particulier assez important occupe le centre de la place Tacambaro. Il honore la mémoire des soldats qui tombèrent au cours de la guerre au Mexique  en 1867. Mais encore ? Que s’était-il passé ? Charlotte, fille de Léopold Ier était devenue impératrice  du Mexique suite à son mariage avec Maximilien de Habsbourg. Très vite les guérilleros de Juarez s’en prirent à la malheureuse. Léopold Ier décida de voler au secours de sa fille. Il recruta à Audenarde une petite armée de volontaires (environ 2000 hommes) mais la France et les Etats-Unis le désavouèrent. L’aventure mexicaine se termina donc tragiquement et le monument, surmonté d’une dame en pleurs rappelle cet événement. Anecdote racontée pour la petite histoire.

Entrons maintenant à l’intérieur de l’hôtel de ville. Dans une immense salle du premier étage,  on est impressionné par une superbe charpente en forme de carène de bateau.  Différentes collections  sont présentées dans diverses salles de l’hôtel de ville.  Des tapisseries bien sûr mais aussi  une magnifique collection d’orfèvrerie européenne et d’Audenarde d’une qualité exceptionnelle. L’éclat de l’argenterie nous transporte  dans les salles à manger d’antan. Une somptueuse table baroque, chargée de couverts de table et de services en argent étincelants et de verres vénitiens, enveloppée de rideaux damassés.

Encore une table de banquet du XVIIIe siècle où l’argenterie se reflète dans le milieu de table en verre.

Cette orfèvrerie appartient à la collection De Boever-Alligoridès. Offerte à la ville en 2000, la collection est un résumé de pièces utilitaires et d’apparat du XVIe au XVIIIe siècle.

La plupart des objets datent de l’âge d’or. Les plus grands orfèvres sont présents : Paul de Lamerie, orfèvre du roi d’Angleterre, Adam van Vianen, descendant d’une génération d’orfèvres très importants en Hollande et l’Anversois Geeraert de Rasier.

Les maîtres artisans d’Audenarde combinaient leurs qualités professionnelles à des aspirations artistiques. Dans l’ancienne chapelle la collection est composée de chocolatières, cafetières et théières, accompagnées de sucriers, de couverts, de poivriers et de salières, de moutardiers et d’ensembles pour l’huile et le vinaigre. Il y a également des pièces précieuses de l’argenterie religieuse. De superbes cabinets réalisés à  Anvers meublent ces pièces.

Mais l’hôtel de ville d’Audenarde peut figurer dans les histoires insolites et mystérieuses de la Belgique, car ici, les murs ont des oreilles !  Et notamment  l’hôtel de ville dont les murs gardent encore des secrets pâlis, éventés par le temps.

Orgueil d’une cité enrichie par l’industrie drapière ce bâtiment, ouvragé comme un coffret précieux, aurait été construit en l’honneur de Charles Quint qui passa à Audenarde les heures ardentes de sa liaison et sa passion pour Jeanne van der Gheynst. De ces amours impériales mais néanmoins illégitimes devait naître une fille qui devint la gouvernante des Pays Bas de 1559 à 1567 sous le nom de Marguerite de Parme. Entrons maintenant dans la salle du conseil et fermons en la porte à tambour merveilleusement décorée du côté intérieur.

Sous le plafond, les armes de Charles Quint, flanquées de deux griffons sont cantonnées à gauche par deux lions portant le blason de la Flandre et, à gauche, par deux ogres présentant les armoiries de la ville.

Sous cette lourde imposte en style flamand, vingt-huit panneaux de bois, sculptés de feuilles, d’arabesques et de putti jouant, dénoncent une inspiration florentine Renaissance qui ensoleille littéralement ce bel ouvrage.

A première vue, rien n’engendre le malaise à l’exception peut être d’un meuble massif du XVIIe siècle dont les multiples tiroirs secrets autorisent l’imagination à mettre en scène mille intrigues, plus compliquées et plus inquiétantes les unes que les autres.

Pourtant s’il vous était donné une échelle, et la permission d’y grimper, des coups frappés sur les panneaux supérieurs de la porte vous convaincraient aisément de l’existence d’une niche dérobée, invisible de l’extérieur comme de l’intérieur de la salle.

Cette logette, dans laquelle un secrétaire se hissait depuis les degrés d’une échelle dressée dans le couloir, permettait de suivre les débats du conseil communal et du collège des échevins et de les consigner sur papier, sans pour autant faire acte de présence à des réunions qui, en principe, excluaient toute personne étrangère aux discussions. La logette d’écoute de l’hôtel de ville est aujourd’hui condamnée et hormis peut être quelque facétieux fantôme  paperassier, il n’est plus personne pour considérer de haut les édiles communaux au travail. Ceci relève également de l’anecdote car cette issue vient d’être condamnée.

Avant de commencer nos visites pour la tapisserie, nous avons pris le repas de midi dans un très bel établissement, sis en face de l’hôtel de ville. Ancien relais de poste du XVIIIe siècle il possède un très beau restaurant. Le chef coq nous avait concocté un bon repas, trop copieux pour plusieurs d’entre nous, mais n’en déplaise à certains, vous avez mangé du pintadeau et non du poulet ! Cette volaille est reconnaissable à la finesse de sa peau et à la qualité de sa chair !

L’après-midi, nous nous sommes donc intéressés aux tapisseries qui ont toujours fait la renommée d’Audenarde.. Une tapisserie peut désigner toute réalisation textile décorative  réalisée sur un métier. Plusieurs techniques de la tapisserie  sont utilisées par différents centre de productions : manufacture des Gobelins à Paris, tapisseries d’Aubusson, de Beauvais. Plus près de chez nous, Bruxelles était renommée pour ses tapisseries et Audenarde est mondialement connue pour ses verdures. 

En 1525 à Arras se réunit un concile qui prit la décision de développer les images, la décoration, afin de cultiver un peuple illettré sur la politique et la religion. De ce fait, les évêques vont commander plusieurs tableaux et tapisseries représentant la vie du Christ et des saints aux artistes, ce qui embellira les églises et cultivera d’avantage le peuple.

Anciennement chaque fête y était prétexte pour tapisser les rues de la ville de somptueuses verdures, grandes cérémonies ou Joyeuses entrées.

Toujours est il que dès 1441, la Guilde de Ste Barbe veilla à la production et à la qualité des tapisseries essentiellement décoratives et se chargea de les exposer massivement aux fenêtres. Cette fierté inextinguible était d’ailleurs tout à fait légitime : tant dans le style que dans les tons, principalement le vert, mais aussi le brun, le jaune et le bleu, parfois même le rouge. Les Gobelins d’Audenarde se différenciaient  sensiblement de la tapisserie bruxelloise plutôt picturale ou de celle de Tournai.

Ces œuvres d’art étaient renommées dans le monde entier, non seulement grâce à l’emploi de couleurs spécifiques, mais les grands motifs, (un paon, un faisan un château) ou les petits (emblème de la ville par ex)  contribuaient à renforcer les origines de ces verdures, c'est-à-dire le Sud de la Flandre.

Le bailli Philippe de Lalaing signalera vers 1539 que douze à quatorze mille âmes d’Audenarde travaillent sur le métier.

Mais à peine vingt ans plus tard, la population calviniste et le patronat favorable à la Réforme se virent pourchassés par les armées catholiques déchaînées.

Le gros des hérétiques s’enfuit vers les Pays bas du Nord : la jeune république se vit ainsi inondée d’une main d’œuvre à bon marché et de capitaux providentiels. Toutefois en 1625, 20.000 nouveaux ouvriers avaient repris le chemin des ateliers d’Audenarde, rendant ainsi à la ville sa réputation internationale et réveillant par la même occasion la jalousie des villes concurrentes.

Dans cette rivalité tous les coups fourrés étaient permis. Henri IV, roi de France, se montra finalement le plus rusé de tous. En 1601, il fonda la manufacture des Gobelins (le nom vient de la famille Gobeele d’Audenarde), puis attira à Paris la fine fleur des tapissiers du sud de la Flandre.

D’autres liciers s’installèrent à Beauvais et Lille et démantelèrent ainsi par leur migration toute la tapisserie d’Audenarde.

Enfin voici quelques explications concernant les tapisseries.

Une tapisserie est le résultat de l’entrecroisement de deux sortes de fils:

  • les fils de chaîne tendus sur le métier et provenant de l’ensouple. Ces fils sont disposés dans le sens de la longueur. (ourdissage)
  • le fil de trame de couleur est passé à la navette entre les fils de chaîne. Ces fils de trame sont disposés dans le sens de la largeur (tissage).

Deux grandes techniques existent dans la fabrication des tapisseries : la haute lisse et la basse lisse. Ces deux techniques sont radicalement différentes. Cependant, une fois le travail réalisé, il est souvent impossible d’en reconnaître la différence.

Le métier de haute lisse est composé de deux montants supportant deux cylindres mobiles (les ensouples), placés l’un dans la partie supérieure, l’autre dans la partie inférieure. Le tissage est ainsi réalisé à la verticale.

Avec le métier de basse lisse, la chaîne se trouvant tendue sur le plan horizontal, le tissage se fait de façon horizontale.

Afin de mieux comprendre toutes ces explications nous sommes allé visiter la

Maison de Lalaing.

Cet édifice a des fonctions multiples : l’atelier de restauration de tapisseries d’Audenarde, un atelier de tissage et un espace éducatif qui permet de suivre le procédé de restauration et du tissage.

L’atelier tisse de nouvelles tapisseries à l’ancienne selon des dessins d’artistes contemporains. Audenarde garde toujours vivante sa tradition textile comme le démontre le concours triennal de création de cartons de tapisserie.

Des artistes renommés, tant belges qu’étrangers participent à chacune des éditions.

Au cours de notre visite dans ce superbe bâtiment, nous avons pu suivre avec beaucoup d’attention  le travail de deux ouvrières chargées, l’une de la restauration d’une tapisserie, l’autre de sa fabrication.

Pour retourner au centre, nos guides nous ont fait traverser le petit béguinage d’Audenarde. Endroit toujours paisible plein de quiétude ! Belle journée, d’autant plus que le soleil était de la partie.

Je vous envoie toutes mes amitiés,