L'abbaye de Bonne-Espérance et le Mundaneum à Mons
Gembloux, le 20 avril 2018
Bonjour à toutes et
tous,
Ce matin, la pluie nous a accompagnés par moment
avant que le soleil nous rejoigne dans le courant de l’après-midi. Nous étions
44 Copines et Copains à affronter cette météo frisquette et humide. Après un
accueil bien sympathique à l’établissement « Le Tournebride » situé à l’entrée de « l’Abbaye
Notre-Dame de Bonne-Espérance », nous avons entamé la visite
directement à l’intérieur des bâtiments. Cette abbaye de trouve en pleine
campagne du Hainaut à seulement quelques lieues de Binche et de Mons, dans le
village paisible de Vellereille-les-Brayeux faisant partie de l’entité
d’Estinnes. Notre guide nous explique que le terme « Brayeux » que l’on retrouve dans le nom du village signifie
marécageux en vieux français ; |
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il s’est transformé petit à petit en brayou
pour désigner quelqu’un qui pleure. D’ailleurs à l’époque, la principale
fonction des étangs qui entourent l’abbaye était d’assécher les terres marécageuses
aux alentours.
Fondée en 1130 à la suite d’une donation des
terres par Raynard, un seigneur de Croix-lez-Rouveroy, l’abbaye appartenait à
l’Ordre des Prémontrés. Pendant 650 ans, quelque 1.350 religieux y ont vécu et
ont assuré le service pastoral dans 23 paroisses. L’abbaye fut supprimée en
1796 lors de la Révolution française. Quand la paix était revenue, les
religieux ont racheté les bâtiments à l’État français pour la léguer en 1829 au
Séminaire de Tournai. Aujourd’hui, elle est occupée par un Collège comptant
1.000 à 1.100 élèves.
C’est la seule abbaye en Hainaut dont les
bâtiments sont restés intacts lors de la Révolution française. Elle constitue
un patrimoine exceptionnel autant par sa majesté que par son histoire. Dans
leur état actuel, la plupart des bâtiments datent du XVIIIe siècle,
mais certaines parties de l’intérieur ont gardé l’aspect du XIIIe ou
XVIe siècle.
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Nous ne l’avons sans doute pas remarquée à
cause des gouttes de pluie qui nous tombaient sur la tête, mais dans le fronton
du Portail, juste à côté du
Tournebride, trône la Vierge, patronne des lieux, qui nous a accueillis avec
son doux regard et son sourire radieux. Pour la même raison, nous ne nous
sommes pas attardés non plus au Jardin
botanique situé au centre d’une vaste cour d’honneur constituée de trois
ailes. Autrefois, l’aile droite était réservée à la boulangerie, la brasserie
et aux annexes de la « ferme de la basse-cour » ; la partie
gauche était destinée aux métiers de l’abbaye et aux convers. Actuellement, ces
deux ailes comprennent des classes et des chambres d’élèves. La façade
principale, réalisée entre 1738 et 1741 selon les plans de l’architecte montois
Nicolas Debrissy se caractérise par une grande symétrie dont le centre est
souligné par un fronton. C’était le « quartier des hôtes de
distinction ». |

Par la porte du bâtiment principal, nous
pénétrons dans un large vestibule où notre vue est attirée par un escalier
majestueux en chêne. Après la première volée de marches, l’escalier se dédouble
en revenant vers la façade. En passant à droite de l’escalier, nous arrivons
dans le Cloître. Il s’agit là du cœur
de l’abbaye, au même titre que la basilique (voir plus loin). En effet, cet
espace central reliait tous les locaux de la vie de l’abbaye. Le cloître date
pour la plus grande partie du XIIIe siècle. L’ensemble est
caractérisé par un style gothique.
Plus loin se trouvent le Chauffoir et le Réfectoire.
Comme son nom l’indique, le premier local était chauffé ; c’est dans cette
pièce que les religieux se réunissaient. Il date des années 1740 et le décor
est en style Louis XIV. Sans conteste parmi les plus beaux endroits de
l’abbaye, le réfectoire fut achevé en 1738. Il faut remarquer les bancs sur
lesquels les chanoines s’asseyaient lors des repas ou encore la chaire d’où se
faisait la lecture. |
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Sur le mur opposé aux fenêtres, cinq tableaux attribués au
valenciennois Bernard Fromont (1715-1755) illustrent la vie de saint Norbert,
fondateur de l’ordre des Prémontrés. Encore un mot sur la Cuisine : de style ogival, elle est une des plus anciennes
pièces de l’abbaye et date du XIIIe siècle avec des
remaniements au XVIe siècle.
Les religieux se réunissaient dans la Salle capitulaire pour prier, pour faire
la « coulpe » et discuter des affaires importantes du monastère. Elle
est datée de la fin du XIIIe siècle, mais elle a subi des
remaniements au début du XVIIIe siècle.
Nous terminons notre
visite dans l’église abbatiale, la Basilique.
La première église fut construite en 1132 dont il ne reste plus rien. De 1266 à
1274, on construisit une vaste abbatiale gothique dont le chœur était entouré
de cinq absidioles. Fort endommagée par les guerres de religion du XVIe siècle, l’église gothique fut restaurée au début du XVIIe siècle
avec l’aide des archiducs Albert et Isabelle. De 1770 à 1789, les religieux
construisirent une nouvelle église, celle que l’on voit actuellement. Les plans
furent réalisés par l’architecte liégeois Laurent-Benoît Dewez, auteur de beaucoup
de bâtiments à cette époque comme par exemple l’église Saint-Guibert de
Gembloux ou encore la collégiale Sainte-Begge à Andenne. Les stalles sont
l’œuvre du menuisier Nicolas Bonnet de Nivelles, mais c’est un certain Olivier
de Bruxelles qui a sculpté les médaillons. Quant à la tour actuelle de la
basilique, elle a été érigée au XVe siècle sur une travée de la nef
gothique ; le portail a été ajouté en 1776. |
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Le chœur gothique est
particulièrement soigné : outre les splendides colonnes, on note le bel
autel en marbre blanc, le pavement dont les formes et les couleurs donnent une
impression de tapis en relief, et la voûte en cul-de-four, gaufrée de petits
caissons en losanges.
La Statue de Notre-Dame de Bonne-Espérance,
en pierre polychrome, est un chef-d’œuvre de la sculpture du XIVe siècle. Ayant survécu sans dommages aux guerres et autres malheurs de l’abbaye,
elle a depuis toujours attiré de nombreux pèlerins. C’est une statue
remarquable haute de 1,10 m : il s’agit de la Vierge allaitant l’Enfant et
nous présentant le vêtement du Christ. |

D’une façon générale,
l’ambiance froide, mais chaleureuse à la fois, que l’on respire dans les
bâtiments de l’abbaye est surprenante. Incontestablement, le visiteur s’aperçoit
que l’on y cultive un véritable « esprit ». Et pour preuve, le
collège ne sait pas accueillir tous les anciens (même sans leurs
conjoints !) lors des réunions annuelles de retrouvailles, faute de places
suffisantes …
Le restaurant à Bray où
nous avons pris le repas de midi fut une agréable découverte. En partant de là,
nous avons pris la direction de Mons pour une visite guidée du Mundaneum où se tenait à ce moment l’exposition « Top secret ! Un
monde à décrypter ».
Quant au bâtiment, il
est logé au cœur de la ville de Mons dans un ancien magasin de style Art déco
de la société coopérative « Union économique de Belgique ». Il
héberge depuis 1993 le Mundaneum, centre d’archives de la Fédération
Wallonie-Bruxelles. S’y trouve également un espace d’exposition temporaire.
Rénové en 1998, il a été agrandi en 2014 dans le cadre de Mons – Capitale
européenne de la Culture, avec un nouvel espace d’archives de plus de 500 m2.
La salle d’exposition couvre l’ensemble de l’ancien magasin. En entrant, on est
frappé par l’architecture épurée du décor et les lignes droites qui rendent
l’espace sobre et équilibré. Autour d’un puits de lumière spacieux s’ouvrent
deux étages en galeries autrefois éclairés par une verrière.
L’origine du Mundaneum remonte à la fin du XIXe siècle. Créé à l’initiative de deux juristes belges, Paul Otlet (1868-1944),
père de la documentation, et Henri La Fontaine (1854-1943), prix Nobel de la
paix, le projet visait à rassembler tous les savoirs du monde ( !) et à
les classer selon le système de « Classification
Décimale Universelle (CDU) » qu’ils avaient mis au point. Le Mundaneum
répertorie quelque 12 millions de fiches bibliographiques et conserve
environ 6 km courants de documents
relatifs à trois thématiques principales : le pacifisme, l’anarchisme et
le féminisme. Il est à la base de la science de l’information actuelle et est
considéré comme un précurseur des moteurs de recherche Internet. D’ailleurs en
2012, il tissait un partenariat avec le moteur de recherches mondial, Google,
et le journal Le Monde l’a surnommé le « Google de papier ».
Aujourd’hui, le Mundaneum a pour mission d’inventorier, de conserver et de
valoriser les archives et collections léguées par ses fondateurs.
Notre attention était surtout centrée sur l’exposition
originale consacrée aux secrets du cryptage et de la cryptanalyse, intitulée
« Top secret ! Un monde à
décrypter », qui retrace l’histoire de la communication et du désir de
discrétion et de falsification qui en découle. Cette exposition est le fruit de
la collaboration entre le Mundaneum et le cryptologue Jean-Jacques Quisquater,
professeur à l’Université catholique de Louvain (UCL). Avant cette visite, la
cryptographie ne disait sans doute pas grand-chose à la plupart d’entre nous.
Pourtant, elle est partout autour de nous : notre carte d’identité, notre
carte de banque ou de crédit, notre téléphone et GSM …, tous ces objets de la
vie courante d’aujourd’hui ou connectés sont sécurisés grâce à la
cryptographie, sans parler de nos ordinateurs. Ou encore nos billets d’argent,
un concentré de haute technologie, dans lesquels on introduit tellement de
signes particuliers que la contrefaçon coûte finalement plus cher que la valeur
même du billet ! En résumé, il s’agit d’une discipline s’attachant à
protéger des messages ou des informations en s’aidant de secrets ou de clés.
Lors de la visite guidée, nous distinguons
quatre grandes périodes dans l’histoire de la cryptographie et, pour chacune
d’elles, le parcours est jalonné de pièces historiques, d’archives et d’objets
hétéroclites. Nous commençons par la cryptographie manuelle. Connue
depuis l’Antiquité, l’une des utilisations les plus célèbres de la
cryptographie pour cette époque est le chiffre de César, nommé en référence à
Jules César qui l’utilisait pour ses communications secrètes. En réalité, elle
est bien antérieure à cela : le plus ancien document chiffré est une
recette secrète de poterie qui date du XVIe siècle avant J.-C.,
découverte dans l’actuelle Irak. Ou encore chez les Grecs qui, déjà au VIe siècle avant J.-C., enroulaient une bande de papier autour d’un cylindre, puis
écrivaient leur message sur le papier avant de dérouler le papier et de
l’envoyer au destinataire ; ce dernier ne pouvait déchiffrer le message
qu’à condition de disposer du bon diamètre du cylindre. Citons encore cet objet
hétéroclite et amusant qu’est la fausse brique faisant office de boîte aux
lettres …
Nous arrivons ensuite à la cryptographie
mécanique et électromécanique utilisant des machines à calculer plus ou
moins puissantes, dont l’exemple typique est « Enigma ». Enigma fut utilisée par les Allemands pendant la
guerre ce qui a incité les Anglais à former des équipes de cryptographie
hébergées au manoir de Bletchley Park. Et ce sera le célèbre Alan Turing qui
réussira à casser le « code Enigma ». Cela a profondément changé le
cours de la Seconde Guerre mondiale, d’autant plus que les Allemands ne se
douteront jamais que leurs messages étaient déchiffrés. Notamment le
débarquement de l’été 1944 a pu être préparé en toute sérénité … grâce au génie
d’un mathématicien ! |
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Évidemment, nous baignons aujourd’hui
pleinement dans l’ère de la cryptographie numérique qui est devenue un
enjeu de taille pour notre société digitalisée. Avec la venue des ordinateurs,
les techniques de codage ont pris une toute autre dimension et les clés sont
devenues terriblement complexes. Ici, les guides ont évoqué l’univers du
« dark net » et la culture de la transgression incarnée par les
hackers. Ou encore, ils ont présenté la Belgique comme laboratoire de la
cryptographie ou de la cyber-sécurité. Mais vous l’avez sans doute
remarqué : le langage courant de maintenant a changé lui aussi et, pour le
commun du mortel, certains mots et expressions couramment utilisés aujourd’hui semblent
sortir directement de l’univers de la cryptographie ... |
Et qu’est-ce que nous réserve l’avenir ?
Ce sera sans doute la cryptographie quantique. Mais là, ce sera une
autre histoire …
Il est évidemment impossible de citer ou de
mentionner ici tout ce que nous avons vu et appris au cours de cette visite
très intéressante et instructive. Je conclus simplement en disant que l’Homme
subit ou s’adapte à l’évolution de ce monde qui semble évoluer plus vite que
lui et qu’il ne comprend plus toujours !
En gardant les deux pieds sur terre, la
boisson et le morceau de tarte que nous avons pris dans un établissement situé
sur la Grand-Place de Mons nous a fait beaucoup de bien et a peut-être incité
l’un ou l’autre à lâcher un secret … Ensuite, nous avons repris la route en
direction de Gembloux.
Dans l’attente de vous retrouver très bientôt
en pleine forme, je vous adresse toutes mes amitiés

