Dernière mise à jour : 5/07/04

Fontaine-l'Evêque

Sauvenière, fin juin 2004.

Bonjour à tous et à toutes,

C’est le Hainaut qui était notre point de chute à l’occasion de notre excursion de juin, et précisément l’entité de Fontaine-l’Evêque. La météo n’était pas des plus optimistes, mais c’est néanmoins accompagnés d’un temps très agréable que nous avons vécu cette journée.

Quelques mots d’abord pour situer la ville visitée.

Le premier document connu citant le nom de Fontaine date de l’ an 868. Il s’agit d’un polyptyque de l’abbaye de Lobbes. Ce document consiste en un relevé général de toutes les propriétés terriennes de l’abbaye qui possédait des biens dans 174 localités.

A cette époque, Fontaines et Leernes ne forment qu’une seule commune qui s’appelle Lerna Fontanis (Leerne aux Fontaines). Le mot fontaine s’explique facilement par le nombre de sources existant sur le territoire. Lerna est moins aisé à définir.

La dénomination actuelle de Fontaine-l’Evêque fut acquise vers 1251. Le seigneur de Fontaine s’appelait alors Nicolas. Après s’être adonné au métier des armes, il embrassa l’état ecclésiastique. Il fut chanoine de Cambrai, archidiacre de Valenciennes et prévôt. Le pape Innocent IV le sacra lui-même évêque de Cambrai. C’est en souvenir de ce grand événement que le nom d’évêque fut ajouté à celui de Fontaine.

Fontaine-l’Evêque est située à la limite du Pays Noir, du Centre et de la Thudinie. Avec une altitude de +/- 100 mètres, elle est bâtie sur un terrain houiller faisant partie du vaste bassin franco-belgo-allemand. Fontaine-l’Evêque est arrosée par l’Ernelle qui reçoit plusieurs petites rivières.

Bien que située en zone industrielle la ville profite d’une saine atmosphère. La prédominance des vents d’Ouest apporte un air pur venant des campagnes et lorsque le vent est à l’Est, les bois forment un écran protecteur qui filtre l’air et la protège des poussières du Pays Noir.

La population est de +/- 10.000 habitants dont environ 60% de Belges. Les 40% restant sont répartis entre 18 nationalités dont les principales sont les Italiens, les Polonais et les Français.

Trois espèces d’habitats y sont présentes :

La principale industrie reste celle des métaux. Les usines nous sont généralement connues par leur nom : La Providence, Les Visseries et Tréfileries réunies, clouteries Baudoux, Arbed.

N’ayant qu’une seule guide, comme nous étions relativement nombreux, le groupe a été scindé en deux pour les différentes visites. L’environnement autour du château Bivort permet de se promener et comme des bancs y sont disposés, les personnes qui n’avaient pas envie de marcher ont pu se prélasser à l’aise. A la fin de la journée, nous avons reçu de la part de l’Office du Tourisme une abondante documentation concernant les sites visités. Si les notes que j’avais recherchées font un peu double emploi ou sont loin d’être complètes par rapport aux documents officiels, je vous prie de m’en excuser.

La première visite était donc destinée au

Musée du clou

Fontaine-l’Evêque a été reconnue dans le monde entier pour sa fabrication de clous : tant par sa qualité que par sa diversité. Cette renommée date d’il y a 170 ans. C’est surtout à la qualification de la main d’œuvre ouvrière que l’on doit sa fameuse réputation et il est à souligner que les clouteries fontainoises exportaient à travers les cinq continents de 80 à 85% de leur production.

Avant la deuxième guerre mondiale, on dénombrait 9 clouteries différentes importantes implantées dans l’entité.

Le musée de la clouterie est installé dans la galerie de la Poudrière au pied du château Bivort. Différents outils, forges, enclumes et étaux servant à fabriquer les clous y sont présentés. Des tableaux montrent les différents clous réalisés. Notons qu’anciennement les cloutiers travaillaient à domicile. Ils possédaient une petite forge dans leur jardin.

Je trouve personnellement regrettable qu’il n’y ait pas un homme qui active ces différentes machines et nous montre comment réaliser des clous.

Le château Bivort

Il fut construit en dur sans doute à la fin du XIIIe siècle. Non seulement la chapelle date de cette époque, mais le plan du château, l’appareil de construction des tours et le donjon, aujourd’hui démoli, en sont autant de preuves. Le plan primitif de l’ensemble se distingue encore aisément. Le château affectait la forme carrée et il était défendu par sept tours encore toutes existantes en 1744. Parmi ces tours, on en remarquait une de forme carrée : le donjon se dressait à la droite de la 1ère porte d’entrée.

Il fut détruit en 1828 et avait 17,50 m de côté, l’épaisseur des murs était de 3,25 m. La hauteur n’est connue qu’approximativement : elle devait être de +/- 32 m. Il a été abattu pour la somme, énorme pour l’époque, de 700 Fr. Une partie de ses pierres ont servi à édifier l’usine à gaz. De nos jours, cet édifice abrite les services communaux.

Pour la petite histoire…

Soulignons, que Bourienne, ancien compagnon d’études de Napoléon, devenu par la suite son secrétaire est venu en retraite au château de Fontaine l’Evêque. C’est dans un des appartements du château qu’il écrivit ses mémoires. En voici un petit extrait :

« C’est aux douceurs d’une vie calme et tranquille, à la plus aimable hospitalité, offerte par le cœur et embellie par l’esprit, aux soins les plus délicats que je dois les moments de repos que je goûte avec reconnaissance : oui, c’est vous qui rendez possible le travail auquel je me livre dans une retraite délicieuse ; oui je n’oublierai jamais que c’est dans ces jardins, sous leurs beaux ombrages que j’ai médité sur les chances et les souvenirs d’une vie agitée, et que je revis pour ainsi dire dans les temps où j’ai vécu ».

Au château de Fontaine l’Evêque, royaume des Pays-Bas, 1er mars 1829.

Après cette première visite nous avons pris le repas de midi dans un restaurant de la ville. Très bon repas, mais trop copieux !

Deuxième visite :

Le gazomètre

Le gaz en tant que matière première existe déjà à l’état naturel, mais c’est le gaz produit à partir de la houille qui donnera son essor à l’industrie gazière. Vers 1610, un médecin bruxellois, Jean baptiste Van Helmont, a appelé « esprit » des composants volatils qu’il avait obtenu à la suite de diverses expériences sur les combustibles.

Il faudra attendre le XVIIIe siècle pour voir la réalisation des possibilités de maîtrise de l’utilisation rationnelle de cette énergie. Cet énorme pas en avant fut l’œuvre d’un professeur de l’Université de Louvain, Jean Pierre Minckelers qui découvrit en 1753 le procédé d’extraction du gaz de houille.

La distillation (opération qui consiste à débarrasser un corps solide de ses composants) de la houille à haute température en vase clos produit du coke et du gaz. Cette distillation s’est d’abord faite dans des creusets, « sorte de cylindre en fonte ». Puis le creuset s’est mué en une cornue (vase à col étroit et courbé, d’abord incliné horizontalement avec tête, couvercle et tuyau montant).

Vers 1830, on adopte résolument les cornues réfractaires, celles-ci doivent être amenées à haute température et elles doivent atteindre une couleur cerise. Au sortir des cornues, le gaz possède un pouvoir éclairant extrêmement faible : il faut lui faire subir une épuration physique et chimique de façon à enlever les produits comme huiles et goudrons et les gaz tels l’acide sulfurique et l’ammoniaque qui diminueraient son pouvoir éclairant et vicieraient l’atmosphère.

Une fois épuré, le gaz se répand dans un vaste réservoir appelé « gazomètre ». Des tuyaux de distribution le transportent aux lieux de consommation.

En partant d’une tonne de houille, on obtient 400 à 420 m3 de gaz à 4250 cal. Les sous-produits vont donner naissance à toute une série d’activités annexes.

A l’origine, tous les gazomètres étaient de type à cloche suspendue. Ce n’est que progressivement, au fur et à mesure de l’accroissement des volumes de gaz exploités que le système fut abandonné pour être remplacé par un type dit à mouvement libre. Les premières cloches étaient essentiellement constituées par une carcasse ou charpente recouverte de tôle (fer, cuivre ou zinc) de faible épaisseur ; au centre de la calotte, on fixe une forte pièce en bois ou métal servant de point d’appui à un assemblage de pièces ajustées : un ou deux anneaux extérieurs servaient d’attaches à des chaînes pour faire contrepoids. Le guidage des cloches était complété par la présence de galets fixés sur la margelle en pierre bleue. En raison de l’inégalité entre la production et la consommation de gaz, un organe interne est indispensable : c’est le gazomètre.

Lorsque la cloche est vide, la cloche repose sur le fond du bassin ; elle se soulève au fur et à mesure de l’arrivée du gaz produit par le four de distillation.

Le premier gazomètre de Fontaine-l’Evêque a été conçu suivant ce qui vient d’être dit : soit une cuve exécutée en partie au-dessus d’un sol de type mixte : moellons et maçonnerie.

Les fonds de cuve étaient réalisés le plus souvent en béton damé par couches. Celles-ci atteignaient parfois une épaisseur d’un mètre. A Fontaine-l’Evêque, au centre du radier de la cuve, un tronc de cône en maçonnerie contient les canalisations d’amenée et de départ de gaz. Cela permet également l’arrivée du volume d’eau nécessaire.

Monographie des gazomètres

A l’origine de la fabrication du gaz destiné à l’alimentation des particuliers ou de petits industriels, les gazomètres étaient logés à l’intérieur des bâtiments, donc protégés des éléments extérieurs. Quelques années plus tard, malgré l’avis des spécialistes, il restait dans l’esprit des profanes l’idée bien arrêtée de la nécessité d’entourer les gazomètres d’un abri, servant à limiter les dégâts susceptibles d’être provoqués par un incident quelconque.

Vers 1805, l’éclairage au gaz se substitue aux lampes à huile et se répand petit à petit dans les villes. C’est en décembre 1813 que le pont de Westminster à Londres fut éclairé par la première usine à gaz créée à Petter Street à Londres. L’industrie gazière était lancée. Le 24 août 1819 a lieu l’inauguration du nouveau mode d’éclairage à Bruxelles, à la Place de la Monnaie et Rue Neuve. En 1826, c’est au tour de Berlin d’être éclairée au gaz et elle le restera jusqu’en 1860. En 1829, c’est Gand, en 1834 Fontaine-l’Evêque, en 1835 Louvain, Tournai et Charleroi, en 1839 Namur en même temps que Paris. Anvers inaugura le nouveau mode d’éclairage en 1840 à l’occasion du bicentenaire de la mort de Rubens.

Le 27 septembre 1827, un arrêté royal de Guillaume Ier, roi des Pays-Bas, autorise l’arquebusier-mécanicien Montigny à monter dans son atelier un appareil pour produire l’éclairage par le gaz de houille et procurer cet avantage aux particuliers qui pourraient le demander. Cette autorisation place Fontaine-l’Evêque dans les 3 premières villes de Belgique à l’avoir obtenue : la première était Bruxelles, le deuxième Gand. Montigny réalisa lui-même la conception de l’ouvrage avec l’aide financière du banquier Audent.

La ville de Fontaine-l’Evêque prit la décision de restaurer le gazomètre, fleuron de l’activité industrielle de la région, et avec l’aide de la société Electrabel ainsi que le co-financement des fonds structurels du Feder (objectif I) les travaux furent menés à bien et l’inauguration de ce bâtiment exceptionnel eut lieu le 11 septembre 1999.

Ce bâtiment, exceptionnel il est vrai de par sa construction (magnifique charpente), se partage donc en deux parties : la partie souterraine avec la cuve et l’étage qui sert occasionnellement de salle de réunion où se trouve la dite margelle avec le levier et la pièce de métal servant de point d’appui.

Panneaux explicatifs indiquant l’origine actuelle de gaz : pays étrangers, transport par méthaniers. D’autres panneaux expliquent que malgré tout le gaz, même le gaz naturel reste un matériau dangereux : en plus de nombreuses intoxications dues au mauvais raccordement des appareils et principalement au manque d’aération dans les places où l’on se sert de ce combustible, on enregistre encore 300 décès par an résultant de l’intoxication.

Pendant qu’un groupe visitait le musée du gazomètre d’autres personnes sont soit allées se promener le long de l’étang se trouvant au pied du château, d’autres sont entrées à la bibliothèque municipale admirer la beauté intérieure de ce bâtiment restauré, il est vraiment remarquable.

Plutôt que de parler de célébrités qu auraient éventuellement vu le jour à Fontaine- l’Evêque, quelques mots au sujet de :

Albert Frère

Fontaine-l’Evêque peut se targuer d’avoir vu naître sur son territoire un homme connu presque mondialement. Il s’agit d’Albert Frère. Rien pourtant ne prédestinait ce fils d’un modeste marchand de clous à un tel parcours. Sinon un formidable sens du commerce, le génie des affaires et du culot à revendre. Et Dieu sait s’il en fallait pour transformer l’entreprise familiale, dont la réputation ne dépassait pas 10 Km à la ronde, en l’une des plus formidables machines à gagner de l’argent de la sidérurgie européenne .La réussite d’Albert Frère fascine et intrigue d’autant plus qu’il se veut discret au point d’en devenir mystérieux. C’est la nature même du personnage, c’est qu’à l’instar des Rotschild, dont l’histoire le fascine, depuis l’enfance Albert Frère a connu une carrière fulgurante, menée tambours battants avec une habileté qui étonnera toujours son entourage.

Faisant preuve d’une redoutable efficacité, il n’a pas encore trente ans lorsqu’il rachète sa première usine, les laminoirs du Ruau. Avec la cinquantaine il contrôle pratiquement tout le bassin de Charleroi. Mais ses méthodes lui valent une réputation de franc tireur. Comme le déclare un de ses amis Jean Gandois, « on ne construit pas de grands empires sans être un corsaire sur le bord ».

Au début des années 80, pourtant, il quitte définitivement la sidérurgie, (à cette époque de mauvaises langues ont dit que le rat quittait le navire) pour rentrer dans la haute finance, un monde où il pourra donner toute la mesure de son talent inné pour le commerce et les affaires, à tel point qu’aujourd’hui il règne sur un empire de 400 milliards, soit +/- 11 milliards €.

Albert Frère est présent sur de nombreux fronts. En Wallonie par ex., il reprend et relance en 1986 les Editions Dupuis qui éditent entre autres les aventures de Spirou pour en faire un éditeur francophone de BD de premier plan. A l’étranger, on le retrouve présent dans Entremont, société française, leader européen dans l’emmenthal, dans FCC l’une des principales entreprises espagnoles de travaux publics et d’environnement et plus récemment dans Taittinger le célèbre groupe d’hôtellerie et de champagne. Amateur d’art et de grands crus, il est collectionneur averti et a récemment acquis le prestigieux vignoble Cheval Blanc.

Documentation sur Albert Frère, le livre :

"Albert Frère, le fils du marchand de clous", par José Alain Fralon, chez Fayard.

D’après la guide cette biographie ne serait pas exacte. Elle a cependant été rédigée suite à une thèse de doctorat. Qu’il soit d’origine très modeste, c’est indéniable mais son père n’aurait pas été marchand de clous. Qui faut-il croire ? Et qu’est-ce que cela change ? Le personnage peut être qualifié « hors du commun ».

IL était prévu que nous terminions notre journée à l’Abbaye d’ Aulne située à quelques kilomètres de Fontaine l’Evêque. Je m’attendais à ce que notre guide nous parle un peu de cet endroit en cours de route. Il n’en a rien été à part nous signaler au passage les ruines, l’ancienne pharmacie et les anciens jardins. Voici donc quelques explications au sujet de lieu.

L’Abbaye d’Aulnes

Fondée par Saint Landelin vers 657. En 889, le domaine des moines fut divisé et Aulnes devint liégeoise. La communauté connut son âge de gloire au XIIe siècle lorsque le prince évêque Henri II dédia le monastère à Saint Bernard. Le 5 décembre 1147 arriva un premier groupe de cisterciens en provenance de Clairvaux. Le monastère vécut isolé dans l’austère respect de la règle pendant quelques décennies, puis la richesse foncière des moines les amena petit à petit à transiger avec leur idéal de pauvreté. En 1214, la communauté entama la construction de l’église dont on voit les ruines. Les moines assurèrent cependant la charité publique pendant les périodes de disette.

Le XVIIIe siècle fut une période de rénovation architecturale pour l’abbaye : l’abbé Louant fit détruire les constructions médiévales et rebâtir en style Louis XV, seule l’église conserva son style gothique moyennant le placage d’une façade à la mode. Le site fut occupé et pillé en 1793 par les Français. Elle fut incendiée en même temps que l’abbaye de Lobbes le 14 mai 1794. Les ruines furent mises en vente comme biens nationaux et rachetées par le dernier abbé. Ce dernier sursaut n’empêcha pas la décadence.

Les jardins et le palais abbatial conservent beaucoup de cachet, même si les façades Louis XV ont un petit air de décor de théâtre.

L’endroit choisi pour le goûter est situé le long de la Sambre. Endroit très paisible d’où on peut éventuellement embarquer pour une mini-croisière jusqu’à la frontière française. De l’autre côté, un Ravel vous invite à la promenade, pédestre ou cycliste. On ne peut malheureusement louer des vélos que le dimanche et alors l’endroit est noir de monde. Dommage car c’est tentant.

Voilà le résumé de cette journée qui s’est déroulée agréablement, paisiblement et gastronomiquement. Je reste un peu sur ma faim concernant notre guide. Très gentille, elle fait tout son possible mais manque un peu de profondeur dans les explications. Elle doit chercher toute sa documentation elle-même, nous lui pardonnons bien sûr, le but de nos journées étant surtout des retrouvailles amicales.