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mise à jour :
24/10/04
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Thuin et Biercée
Sauvenière, fin septembre 2004.
Bonjour à tous et à toutes,
Journée détente en Thudinie, tel était le programme de notre sortie de septembre.
La région de Thuin est la plus belle partie de la Sambre hennuyère. La région est traversée par la Sambre de la frontière française aux portes de Charleroi. Elle s’étend au nord jusqu’à Lobbes et aux environs de Beaumont et à la frontière de la province de Namur. Il s’agit en premier lieu d’une vaste zone verte, un endroit où le préjugé « Hainaut, pays noir » perd toute sa raison d’exister. Le paysage présente une agréable mosaïque de bois et de champs vallonnés. Cette mosaïque est parsemée de villages dont la plupart ont gardé des souvenirs captivants de leur passé. Thuin est la seule localité qui peut prétendre au titre de ville. On signalera au passage que la majorité des communes de Thudinie appartinrent autrefois à la principauté de Liège.
Thuin
Cette petite ville doit son passé historique au fait qu’elle représentait un site de défense remarquable. En effet déjà au VIIe siècle, les moines de l’abbaye de Lobbes exploitèrent cet avantage pour en faire un point fortifié. Mais c’est l’évêque Notger qui, au Xe siècle, fit d’elle un bastion avancé de la Principauté de Liège en y érigeant les premiers remparts. Aujourd’hui encore, la ville haute garde son enchevêtrement de ruelles obscures et de rues pavées bordées de maisons séculaires. Nous avions visité Thuin sous cet angle il y a deux ans. Notre escapade d’aujourd’hui est bien de tenter de percevoir, de sentir, tout ce qui a fait la prospérité de Thuin il y a des dizaines d’années, soit la
Batellerie
Saint Nicolas, qui cumule la charge de patron des enfants sages et des bateliers, avait ce jour, je suppose par mégarde, ouvert les vannes du paradis. A un point tel, que pour peu, le barragiste aurait du lever des poutrelles au barrage pour réguler le débit de la Sambre. Nous avons déjà été sérieusement arrosés lors de certaines excursions, mais je crois que hier le record a été battu. Heureusement, le mauvais temps a été compensé par la gentillesse et l’accueil des Thudiniens dont nous garderons un excellent souvenir.
La journée a débuté par un copieux petit déjeuner servi dans le seul café situé dans la commune du rivage.
C’est un quartier réservé uniquement aux anciens bateliers. Ruelles étroites et petites maisons à proximité de la rivière. Certaines d’entre elles sont décorées de fleurs ou d’accessoires de leur ancienne péniche : la devise (ou nom du bateau), une ancre, une bouée et d’autres objets encore. Les bateliers ont fondé une commune libre. Ils procèdent à des élections tous les ans et élisent leur maire. Lors de funérailles de bateliers, il y a toujours une délégation des délégués de la corporation.Après le petit déjeuner pour nous mettre dans l’ambiance, nous avons visionné une cassette parlant de la navigation fluviale.
Le transport fluvial est fiable, rapide, ponctuel, écologique et économique. Bien qu’à Thuin même cette activité soit terminée, sur d’autres fleuves l’on assiste depuis quelques années à un regain d’intérêt pour ce genre de transport dont le potentiel de développement est considérable. Ainsi sur le canal Albert, cette autoroute des voies navigables belges, le trafic pourrait être deux fois plus dense, sans qu’il y ait congestion ou allongement des temps d’attente aux écluses.
La route étant saturée et le rail ayant de grandes difficultés à accroître sa capacité de transport de fret, la voie d’eau apparaît de plus en plus comme la solution d’avenir.
Tout au long des 450 Km de voies navigables wallonnes, des installations modernes, publiques ou privées, sont aménagées pour le chargement, le déchargement et le stockage des cargaisons.
Il reste encore bien des surfaces disponibles le long de la voie d’eau et bien des possibilités intéressantes pour les investisseurs.
La sécurité est un des atouts majeurs du transport fluvial. Comparé aux autres modes de transport, les risques d’accident de navigation sont extrêmement limités.
De nouvelles techniques fluviales se développent, notamment au déchargement des céréales qui s’effectue par aspiration. On peut voir des transports de conteneurs, le transport de pièces indivisibles de grandes dimensions, le transport de marchandises dangereuses.
Le transport fluvial ne subit pas les encombrements et les restrictions de la circulation routière ou les limites du chemin de fer. Grâce à une bonne programmation et à une coordination efficace entre chargeurs, affréteurs et transporteurs, les marchandises arrivent à bon port, dans les temps. Ce respect des délais est un atout important du transport fluvial.
En outre, le bateau peut servir de stock flottant, soit avant, soit après un voyage.
Hélas à Thuin, il ne s’agit plus que de navigation touristique.
Sous la houlette de notre excellente guide Sandrine notre visite commence donc par la découverte de
L’Ecomusée de la batellerie
Entre Thuin et la batellerie c’est une longue histoire d’amour. Elle remonte à des temps immémoriaux. Les premiers bateliers à faire le voyage par voie d’eau jusqu’à Paris en 1835 étaient des Thudiniens , les frères Blampain. Au début du XIXe siècle, Thuin comptait plus de 1100 chefs de famille bateliers sur une population de 5000 habitants, cinq chantiers navals, des compagnies de remorquage et d’assurance. Aux premières heures de l’essor de la batellerie, la quasi-totalité des Thudiniens étaient bateliers.
(Petite anecdote : la deuxième profession la plus importante à Thuin était anciennement celle de cordonnier et de fabricant de chaussures à domicile).
Le musée est installé dans une péniche restaurée par le dernier chantier naval en activité à Thuin jusqu’il y a peu. Elle a été construite par ce même chantier fin des années 1950.
Les pièces et documents que l’on peut admirer dans ce musée ont été rassemblés grâce à la détermination des anciens bateliers, fiers de leur métier et désireux de laisser une trace de leur passion Des textes explicatifs émaillent le parcours de cette émouvante exposition, en voici un qui a retenu mon attention :
« Vivre comme les bateliers, dans une toute petite cabine, emmitouflé dans l’ombre, dans la couleur du soir, avec le bonheur qu’on entend, qu’on fredonne partout, après avoir dîné, mis les enfants au lit, se retourner, avec sa femme contre les cloisons, écouter l’eau chuinter et chatouiller les planches, sentir avec ses mains un cœur qu’un grand plaisir fait trembler comme une feuille de papier au vent ». Ici, il s’agit d’un batelier romantique, mais pour certains, la vie n’a pas toujours été aussi rose, principalement lorsqu’il fallait subir la séparation d’avec les enfants pendant de long mois pour satisfaire à l’obligation scolaire. L’étroitesse des lieux devait aussi à certains moments être difficile à supporter pour des familles qui vivaient ensemble 24 h sur 24 tout au long de l’année. Il paraît qu’à l’heure actuelle les péniches sont plus luxueusement installées !
Du halage à la motorisation
Selon les voies ou les époques, la traction des bateaux connaîtra des formes diverses.
Le moyen le plus simple sera le courant libre. Seule la descente était utilisée, la « remonte » était impossible. Sur certaines rivières, on utilisera le système des éclusées qui consistait à accumuler l’eau dans des réservoirs par des pertuis ou barrages. A un moment donné, on ouvrait les écluses et on envoyait une chasse dans la rivière. Cela provoquait une sorte de marée artificielle entraînant les bateaux. Ce système gênait la remonte des bateaux et souvent même, à la descente, ils restaient échoués jusqu’à l’éclusée suivante.
Pour le halage à la bricole, le marinier, et parfois toute sa famille, s’attachaient à la corde de traction appelée « bricole » et tiraient le bateau. Ce travail était pénible, lent et le chemin parcouru en fin de journée ne dépassait guère 18 à 20 Km. On voit néanmoins sur certaines photos des femmes qui tricotent en tirant à la bricole.
La traction animale, par chevaux, ânes ou mulets était également pratiquée. Les bêtes appartenaient soit au marinier qui les logeait à bord, soit à des charretiers qui les louaient.
Vinrent ensuite les moteurs.
En moins de trente ans, la batellerie est passée de la péniche tractée sur berge au convoi piloté par radar. En un mot, de la traction animale à l’âge de l’électronique.
Parallèlement à l’évolution des techniques, il est à noter une diminution du matériel.
C’est, après l’apparition du chemin de fer, la deuxième fois que la batellerie se trouve confrontée au cruel problème de son avenir.
Après le musée, nous avons pris un copieux repas sur la péniche « Carpe Diem ». Nous étions bien à l’abri, la pluie pouvait tomber cela ne nous gênait guère !
Dès que les bateliers ont pu quitter la cuisine et le service à table, ils ont pu lever les amarres afin de nous promener, sur la Sambre, jusqu’à Lobbes. Saint Nicolas a quand même permis que nous puissions voir le passage de l’écluse. Nous avons pu rester quelques moments sur le pont afin de pouvoir admirer les paysages verdoyants traversés par la Sambre.
Nouvelle averse lorsque nous sortons du bateau, mais grâce au GSM j’ai pu appeler notre chauffeur afin qu’il vienne nous chercher au débarcadère sans trop devoir nous faire tremper. Mais avant de quitter Thuin, je voudrais aussi rendre hommage à l’un de ses habitants , Roger Foulon, poète, nouvelliste, conteur, romancier. Il a présidé l’Association des Ecrivains belges de langue française. Son style est souple, jaillissant précis, généreux, fort et sensuel.
Il est né à Thuin, dans une famille de souche paysanne le 3 août 1923. Il est toujours attaché à sa ville où il a fait ses études primaires et moyennes, avant d’être diplômé de l’Ecole Normale de Mons et del’Institut supérieur de Pédagogie de Morlanwez.
Voici un petit extrait d’un de ses poèmes :
« Sambre sois encore longtemps l’âme de la ville où je vis et garde lui ton lit, doux comme peau de femme ».Et nous voici en route vers
La distillerie de Biercèe
L’immense succès des produits proposés par la distillerie de Biercée a amené son propriétaire, Monsieur Dumont, à quitter Biercée et à s’installer dans la grange de la ferme de la Cour à Ragnies. Ainsi entre 2000 et 2004, le domaine a connu des travaux de rénovation et d’aménagement afin d’en faire un lieu polyvalent, tant dans un cadre professionnel que grand public. Cette ferme abbatiale, construite entre les XIVe et XVIIe siècles a autrefois abrité la cour de justice de l’Abbaye de Lobbes. Elle est aussi implantée dans l’un des plus beaux villages de Wallonie.
Ce projet colossal a représenté un coût total de 7,5 millions d’euros. Il a été rendu possible grâce à l’intervention de la Région Wallonne qui a acheté le bien qu’elle met à la disposition de la PME via un leasing.
La distillerie de Biercée distille dans le strict respect de l’art ses Eau de Villée, P’tit Pecket, Poire Willams n° 1, Arlequin, mais aussi des eaux de vie de framboise et de prune de toute première qualité.
Tout est distillé en alambic au départ de fruits frais sélectionnés fermentés et macérés par leurs soins. Ces fruits ne contiennent aucun colorant ni agent conservateur, ni arôme de synthèse, ni aucun additif et toutes leurs eaux-de-vie vieillissent en fûts de chêne.
Une toute petite vidéo nous montre quelques images et nous commençons ensuite la visite du musée et puis celle de la distillerie.
Si, comme c’est notre cas personnel nous avions déjà visité les anciens bâtiments sis à Biercée même, l’on ne peut être que surpris en voyant l’importance des nombreuses cuves installées dans ce grand local. Cela n’a plus rien d’artisanal, à part peut-être l’embouteillage qui a l’air beaucoup plus modeste à côté de ces immenses cuves. Enfin, Monsieur Dumont, en homme d’affaires avisé a tiré parti des opportunités offertes par l’Europe ! Voici donc quelques mots quant aux différentes
étapes de fabrication
Etape n° 1 : Sélection des fruits et découpe
Le but de la distillation est d’extraire et de concentrer les parfums et les arômes : ils choisissent donc les meilleurs fruits, frais, non traités et de toute première qualité, des meilleurs terroirs. Les critères de sélection, résultat d’une longue tradition de rigueur, sont différents pour chaque type de fruit et chaque producteur est tenu de respecter leur charte de qualité et tout est accompagné d’un certificat phytosanitaire. Lorsque la Belgique ne peut offrir la qualité requise, la Distillerie de Biercée choisit les meilleurs terroirs européens : citrons jaunes en Murcie espagnole, poires William en Suisse, mirabelles en Lorraine, etc.
Chaque année environ 300 tonnes de fruits, plus 2 de baies et plantes, ainsi que 15.000 litres de jus de pommes sont mis en œuvre. La distillerie de Biercée travaille en fonction des différentes récoltes fruitières et a donc une activité de production saisonnière.
Après contrôle et tri, les fruits sont découpés par un coupe fruits et le moût ainsi obtenu est envoyé directement dans les cuves de fermentation et de macération.
Etape n° 2 : Seuls les fruits riches en jus et en sucre peuvent être fermentés : poires, prunes, pommes, mirabelles. La fermentation est la transformation lente du sucre, aidée par le travail de levures spécifiques.
Leurs 14 cuves de fermentation de 10.000 l., thermo régulées, en acier inox permettent de contenir les moûts de fruits pendant 3 à 4 semaines sous contrôle de température.
Etape n° 3 :Tout passe ensuite dans les alambics. Bien sûr tout est fabriqué sous le contrôle des accises. Selon les moments, des accisiens sont sur place et les cuves sont scellées afin d’éviter tout trafic illégal, l’état étant évidemment gourmand pour ce genre de produit !
Il faut 10 kg de fruits frais pour une bouteille d’eau de vie. C’est l’un des secrets de fabrication de la distillerie de Biercée célèbre par son eau de Villée, l’ambassadrice des eaux-de-vie belges à l’étranger.
Cette PME hennuyère est actuellement la seule distillerie d’eaux-de-vie et de liqueurs de fruits de Belgique. Fondée en 1946 sur les conseils du cousin normand d’un commerçant de la localité, la distillerie fabriquait à l’origine une eau-de-vie de cidre. L’un des fondateurs, un pharmacien du cru, met ensuite au point la Biercine, une liqueur de plantes aux propriétés digestives, toujours commercialisées aujourd’hui.
Ce n’est qu’en 1981 que les propriétaires de l’époque, Jany et Georges Pire, créent l’eau de Villée, à base de citron et à boire glacée, dont le nom vient du ruisseau qui coule derrière l’ancienne distillerie.
En 1990, la distillerie de Biercée atterrit dans la galaxie de l’homme d’affaires carolorégien Albert Frère, dont nous avions déjà entendu parler lors de notre visite à Fontaine-l’Evêque au sujet de la clouterie, mais un an plus tard, c’est l’un de ses proches conseillers, Philippe Dumont qui rachète la petite société. L’homme d’affaires quitte alors le monde des fusions et acquisitions et endosse la casquette du distillateur. Il donne une nouvelle impulsion à la distillerie en changeant notamment le flaconnage et en travaillant à l’image de marque des produits. Il fait appel à un verrier italien pour les bouteilles et au designer belge Romano Scuvée pour les étiquettes. En 1996, pour fêter les 50 ans de la distillerie, Monsieur Dumont investit dans de nouveaux outils de production.
En 1985, la distillerie produisait 15.000 bouteilles par an. Aujourd’hui ce chiffre est passé à 250.000.
Le chiffre d’affaires est assuré pour 60% par son produit vedette l’Eau de Villée. Celle-ci se déguste toujours sans glaçon. Pour ce faire, il faut placer la bouteille dans le surgélateur, elle sera ainsi toujours fraîche et très digestive. Le verre se givre automatiquement dès que l’on verse ce délicieux breuvage dedans. La forme du verre est également importante pour apprécier la dégustation au maximum.
Les bâtiments dans lesquels sont installés les différentes parties de cette PME sont superbes. La restauration est exemplaire. Les visiteurs affluent même pour venir découvrir cette ancienne ferme transformée en lieu de production, en lieu de séminaires et de réception.
Nous aurions du terminer notre visite par une dégustation, laissée au choix des visiteurs. Comme nous avions pris un peu de retard sur notre horaire, c’est en débutant que nous l’avons fait.
Et voilà déjà le retour, sans pluie et qui plus est, des petits lambeaux de ciel bleu nous narguaient de temps à autre entre deux nuages gris. Qui a dit que la loi de la contradiction n’était que pure invention ?