Sauvenière
fin juin 2006.
Bonjour
à tous,
Après
des semaines de froid, de grisaille et de pluie, c’est sous un soleil
radieux que s’est déroulée notre journée de détente mensuelle. La
destination de notre excursion était, en but principal, Freyr. Ce
fut une journée pleine de charme et de détente Après avoir pris
un copieux petit déjeuner à Anseremme
afin de prendre l’autre rive de la Meuse, nous sommes d’abord passés
par
Dinant
Ville
moderne mais de très ancienne tradition qui eut à souffrir dans
sa chair et dans ses pierres tout au long de l’histoire. Cet étranglement
de l’axe mosan fut l’objet de bien des convoitises !
Au
XIe siècle la ville passa sous l’autorité des Princes
Evêques de Liège. Alors débuta une période de luttes de quatre siècles
contre la cité rivale de Bouvignes.
Le
27 août 1466, après des combats acharnés qui coûtèrent la vie à
de nombreux Dinantais, la ville fut prise
par Charles le Téméraire. Ce dernier, à la demande des Bouvignois
fit précipiter dans le fleuve 800 Dinantais attachés deux par
deux. Les Bourguignons disant à chaque fois « con on paire »
le surnom de Copères serait resté aux
Dinantais. En réalité, le travail du cuivre qui déjà au IXe
siècle était connu et apprécié jusqu’à Cologne, a donné son nom
aux habitants : koper ou kupfer,
en langue germanique, devint « copère »
en français.
Dinant
connut encore d’autres vicissitudes mais un fait très connu est
le massacre de 1914 connu sous le nom de « sac de Dinant »
qui entraîna la mort de 674 civils, accusés par les Allemands d’avoir
pris part aux combats. Parmi eux, des femmes, des vieillards et
de très jeunes enfants. Plus de 75 % des habitations furent détruites
par le feu.
Pendant
la dernière guerre de nombreux combats vinrent à nouveau apporter
la désolation dans la ville. Le pont, au cœur de la ville, est un
objectif stratégique important depuis 1080, il a fallu le reconstruire
en tout ou en partie une dizaine de fois. Le pont actuel date de
1953.
Au
centre de Dinant s’élève la collégiale au clocher bulbeux couvert
d’ardoises. Un rocher calcaire, à pic, couronné par la citadelle
est son écrin.
Le
rocher Bayard, au sud de la ville, escaladé par le roi Albert Ier
en avril 1933, se dresse en sentinelle de la vallée. Tel un fer
de lance, ce rocher aurait été brisé d’un coup de sabot par le
Cheval Bayard, alors qu’il portait au-delà de la Meuse les Quatre
Fils Aymon fuyant la colère de Charlemagne.
Tant pis pour la légende : c’est Louis XIV qui fit creuser
le passage par ses troupes.
Les
célèbres couques de Dinant font la gloire des pâtissiers locaux
par la finesse de leurs motifs, leur goût savoureux et leur résistance
sous la dent !
N’oublions
pas qu’à Dinant un personnage célèbre a vu le jour : Adolphe
Sax. Son adolescence studieuse est marquée à vingt ans par une
première invention : une clarinette à 24 clefs, suivie de peu d’une clarinette basse qui fait
beaucoup parler d’elle dans les milieux musicaux. En 1840, il met au point et présente un nouvel instrument,
celui auquel il donnera son nom : le saxophone.
Anseremme
où
nous avons fait halte pour prendre un petit déjeuner est le point
de départ de nombreuses promenades, Anseremme
est aussi le terminus de la descente de la Lesse
en kayak. Ce centre de villégiature est situé au confluent de la
Meuse et de la Lesse.
Dans
une boucle du fleuve, enfouit dans les arbres, on aperçoit un charmant
prieuré du XVe siècle qui accueillit notre banquet, malheureusement
sous une pluie battante, en 2001.
Les
villas mènent leurs pelouses jusqu’au bord de la Meuse élargie et
un chemin de halage s’étire le long de la berge, invitant à de paisibles
promenades.
La
Meuse
Plus
longue que le Rhône ou la Seine, équivalent aux deux tiers du Rhin,
la Meuse est certainement un des plus beaux fleuves d’Europe. Prenant
sa source en France et se jetant dans la mer aux Pays-Bas, elle
s’épanouit en Wallonie, au cœur des provinces de Namur et de Liège.
La Meuse draine la vie humaine et constitue une voie d’échange depuis
la nuit des temps.
L’époque
romaine ne voit-elle pas le développement de la navigation et du
transport des marchandises ?
Le
Moyen Age s’organise en fiefs puis duchés, comtés et principautés.
Les ambitions et luttes territoriales qui marquent cette époque
se traduisent dans le paysage par l’édification de castels, places
fortes et autres forteresses, souvent en des lieux stratégiques.
Plus tard, au gré des circonstances, ces lieux dépourvus de confort
évolueront vers des châteaux de plaisance ou passeront à l’état
de ruines. Par ailleurs, quand s’ébaucheront les luttes entre nations,
apparaîtront aussi des citadelles.
De
la frontière française à la Basse Meuse qui amorce son entrée en
Hollande, on suit donc le cours de l’histoire autant que le fil
de l’eau.
Voici
par ailleurs, une promenade sur la Meuse, racontée en 1868 par Théophile
Gautier. « Est-il bien nécessaire pour qu’un voyage offre
de l’intérêt, qu’il ait lieu dans des contrées lointaines, à demi
fabuleuses, presque inaccessibles, où l’on ne va guère et d’où l’on
ne revient pas souvent ? Notre idée n’est pas de déprécier
les navigations sur le fleuve Amour, le Nil bleu ou blanc…mais une
simple promenade sur la Meuse, de Charleville à Givet ou à Namur
ne manque pas non plus de charme.
Non
loin de Givet, on rencontre la frontière belge délimitée par un
mince ruisselet. Le fleuve, sans se soucier des
divisions géographiques, continue à couler entre des rives
dont la droite est plus particulièrement escarpée et pittoresque.
D’énormes rochers de formes tourmentées et bizarres dressent leurs
cimes, tantôt dénudées, tantôt chevelues, avec des froncements et
des rictus farouches. De larges crevasses, d’où les pluies ont emporté
les terres désagrégées, sillonnent parfois, du sommet à la base,
les rocs formidables et les isolent comme les tours et les remparts
d’une forteresse démantelée. Il y a là de belles études à faire
pour les peintres, et nous sommes étonnés que l’art n’ait pas mis
à profit plus souvent ces superbes modèles qui tiennent si bien
la pose et ne se font pas payer leurs séances.
Aux
endroits moins abrupts, la végétation verdoie et les arbres se groupent
par masses ou s’étendent en rideau. D’élégantes habitations, des
maisons de plaisance, des châteaux s’élèvent sur le bord du fleuve,
et, parmi eux, se fait remarquer la résidence princière de Monsieur
le comte de Beaufort.
En
suivant les méandres du courant, on arrive bientôt en face de la
Roche à Bayard, une énorme aiguille de rocher dont le pied trempe
dans l’eau et dont la cime est surmontée d’une girouette dorée,
sans qu’on puisse trop comprendre comment on a pu l’aller planter
là »
Voici
maintenant atteint le but de notre première visite :
Le
château de Freyr
Ce
château se situe sur le territoire de Waulsort
dans l’entité d’Hastière, dans une courbe
de la Meuse, à peu près à mi-distance entre les villes de Dinant
et de Givet. Le château se dresse à environ 4 Km au nord du village
sur la N 96.
L’endroit
où se dresse actuellement le château de Freyr, joyau de la Renaissance
mosane, fut jadis occupé par une forteresse médiévale. Le choix
du lieu fut dicté par la présence immédiate d’un gué : c’est
la raison pour laquelle la forteresse fut construite dans la vallée
et non pas sur un éperon rocheux comme ce fut le cas pour les autres
châteaux mosans, tels Poilvache et Crèvecoeur.
La
forteresse était la propriété des comtes de Namur, mais en 1378, le comte Jean offrit la seigneurie à Jean d’Orjo
ou d’Orgeo suivant les sources, seigneur
de Rochefort. En 1410, le domaine passa à une autre famille suite au mariage
de Marie d’Orjo avec Jacques de Beaufort-Spontin.
Freyr resta la propriété des Beaufort jusqu’en 1836, année du mariage de Gilda de Beaufort avec le comte Camille de Lambespin. Il appartient actuellement à la baronne Francis
Bonaert, arrière petite-fille du comte Camille. Freyr n’a
donc jamais fait l’objet d’une vente, ce qui est très rare pour
ce type de propriété.
La
Renaissance mosane y mélange harmonieusement la brique et la pierre
et ses jardins à la française sont tout droit inspirés de le Nôtre.
Aménagement
intérieur du château
L’intérieur
du château est dominé par les styles Louis XV et Louis XVI. Seul
le plafond du salon Louis XVI est de style Louis XIV. Le salon de
Marie-Christine, gouvernante des Pays Bas du Sud et sœur de Marie
Antoinette, reine de France, offre des lambris et des meubles de
style Louis XVI. On peut également y admirer les portraits offerts
par Marie-Christine lors de sa visite au château en 1785. C’est en prévision de cette visite que l’on construisit
au milieu des jardins le célèbre pavillon de style Louis XV surmonté
d’une coupole autrichienne. De la terrasse, on jouit d’une vue splendide
sur les jardins. Ce pavillon est décoré de stucs des célèbres frères
italiens Moretti. Le pavillon est aussi appelé « Frédéric Hall »
en souvenir de Frédéric de Beaufort-Spontin.
Le salon Louis XIV se distingue par sa cheminée en marbre de St.
Remy. C’est dans ce salon que les délégués de Louis XIV et Charles
II d’Espagne signèrent le 22 octobre 1675 le traité de commerce entré dans l’histoire sous le
nom de « traité de Freyr ».
Le
grand vestibule a gardé sa décoration du XVIIIe siècle.
Le plafond peint reproduit les quartiers de noblesse des Beaufort-Spontin.
Les parois du vestibules sont décorées de tableaux sortis de l’atelier
du peintre anversois Snijders et ayant trait à la chasse.
La
partie ancienne du château renferme la grande salle à manger dont
les murs sont tendus de cuir de Cordoue.
Les
célèbres jardins
Ces
jardins font la fierté de Freyr. On y pénètre par une orangerie
du XVIIIe siècle. Le très beau parterre qui précède le
château ne compte pas moins de trente trois orangers, certains âgés
de 300 ans, plantés dans des bacs ; sept pièces
d’eau avec fontaines et quatre groupes de tilleuls plantés en carré.
A Freyr, tout est basé sur la symétrie : l’on retrouve donc,
toujours dans le même axe des charmilles taillées en forme de murets
et tonnelles. On peut également admirer des labyrinthes inspirés
par les quatre couleurs d’un jeu de cartes. Ces merveilleux jardins
furent composés en 1760 par les frères Guillaume et Philippe de Beaufort-Spontin
sous l’inspiration de Le Nôtre et avec l’aide de jardiniers compétents.
Ces jardiniers amenèrent de Nancy les orangers achetés au roi Stanislas
Leczinski, beau-père de Louis XV et dernier
roi de Pologne. Ils font l’objet de soins attentifs et passent chaque
hiver dans la chaleur des orangeries.
Les
rochers de Freyr étant également la propriété de la famille, signalons
que l’on trouve déjà le nom de Freyr dans des documents du XIe
siècle. Au fil du temps, une légende s’est formée, mélangeant les
divinités scandinaves, sans doute importées par les invasions normandes
du IXe siècle et les nutons omniprésents dans le bassin
de la Meuse.
Freya,
déesse scandinave de la beauté poursuivait à travers le monde son
mari Freyr, le principal dieu de la fertilité et de l’abondance
qui avait sans doute fait une fugue. Elle s’arrête un jour dans
une des grottes des bords de Meuse et y est capturée par une bande
de nutons intéressés par l’argent qu’elle transporte. Elle s’endort
mais ses dieux veillent. Le lendemain, tous les nutons sont morts.
Depuis lors, les rochers ont gardé le nom de Freyr. Freya avait-elle enfin retrouvé son époux ? Comme on
dit en Scandinavie ceci est une autre saga.
Les
rochers de Freyr
Le
site dans son ensemble dégage une harmonie exceptionnelle mariant
aussi bien l’aspect sauvage des grises falaises avec l’air débonnaire
du fleuve et sa maîtrise des lignes du château, l’agencement bien
ordonné de ses jardins.
Après
la visite du château et de ses jardins, nous poursuivons notre route
le long de la Meuse en direction de
Hastière
ou
deux villages unis par un pont :
- Hastière-par-delà, sur la rive droite, qui possède une splendide
abbatiale de style roman dont la crypte contient des sarcophages
mérovingiens, sa tour massive à l’allure de donjon qui domine
la rive mosane et
- Hastière-Lavaux, au pied du Tienne d’Insemont, est un petit centre commercial actif.
Dans
la vallée du Feron se trouve la grotte
du Pont d’Arcole mise à jour par hasard en 1924 grâce à une fissure découverte au fond d’une carrière.
Plusieurs niveaux superposés, abandonnés successivement par la rivière,
donnent à cette caverne un très grand intérêt touristique et scientifique.
Les concrétions sont très variées et leur abondance obstrue même
complètement certaines galeries.
Après
un délicieux repas, nous avons pris le bateau depuis Hastière
et nous sommes redescendus au fil de l’eau jusqu’à Dinant où nous
avons repris le car après une très agréable détente.