dernièrre mise à jour : 14/09/10

 
2010
 


Le lin à Kortrijk

Sauvenière, fin mai 2010.

Bonjour tout le monde,

Journée diluvienne mercredi mais heureusement ensoleillée jeudi pour notre excursion de ce mois. Elle  nous a permis de découvrir Courtrai et l’une de ses spécialités, la culture du lin.

Courtrai est établie dans la vallée de la Lys dont plusieurs bras parcourent la ville. Elle est à la croisée des grands itinéraires européens, routiers mais aussi ferroviaires ou maritimes. Citons d’Est en Ouest entre l’Allemagne, la Belgique, la France et le Royaume Uni et l’axe Nord Sud entre les Pays-Bas, la Belgique, la France et l’Espagne.

La Lys est une rivière au débit faible perdue dans une large vallée. A partir des années 1990 de grands travaux ont été commencés afin de réaliser une liaison fluviale internationale entre la Seine et l’Escaut. Ceci afin de permettre le passage de porte-conteneurs en centre ville. Les bateaux peuvent dès lors embarquer 3 étages de conteneurs étant donné que les ponts s’élèvent à 7 m  de haut.           

L’histoire du lin

De Mouscron à Roulers la plaine flamande a su trouver sa prospérité dans le travail du lin. Malgré les vicissitudes des changements d’alliance et de domination, victime de sa situation frontalière entre le royaume de France et le comté de Flandre, la région a su chaque fois se relever des misères de la guerre et des occupations.

Cette prospérité est surtout due aux eaux de la Lys qui, dépourvues de calcaire, offraient des conditions extrêmement favorables au rouissage du lin. Cette activité entraînant de sérieux inconvénients (odeurs nauséabondes entre autres) pour les riverains, depuis 1943 le traitement du lin se fait dans des puits artificiels.  L’industrie drapière reste un des fleurons de la région.

Courtrai, plus que toute autre ville flamande, a su tirer parti de cette industrie et les monuments historiques qui parsèment ses rues témoignent de la richesse d’un passé pourtant guère exempt de son lot de guerres et de pillages.

Le cours de la Lys a fait la réputation mondiale de la région en tant qu’excellente zone de culture du lin. C’est en effet de cette région que les meilleures qualités de lin étaient exportées vers les quatre coins du monde. Les Anglais baptisèrent même cette rivière du nom de « Golden river ».

Mais quel est donc le secret des eaux de la Lys ? Avant tout la tranquillité de son débit, une particularité très importante. Ce cours lent laisse en effet le temps nécessaire pour la séparation de la fibre et de la tige du lin. De plus, l’eau de la Lys est pauvre en calcaire qui durcit les fibres de lin et en fer qui laisse des taches de rouille sur les fibres. La fréquence du rouissage entraînait en outre une présence massive des bactéries indispensables à cette opération.

Ce n’est donc pas un hasard si c’est précisément à Courtrai qu’un musée du lin a ouvert ses portes. Installé dans une ancienne ferme linière, il présente des collections d’habits, d’outils et de documents.  Ce musée se compose de deux ailes : l’une consacrée à la culture et au travail du lin, du semis jusqu’au peignage et l’autre à l’évolution du travail artisanal du lin pour les besoins domestiques : le filage, le bobinage, le tissage, la dentelle aux fuseaux et la broderie. 
Des mannequins dont les visages ont été moulés sur les visages de véritables fermiers de la région nous donnent une idée très réaliste des rudes travaux d’antan. La section de la dentelle mérite toute notre admiration. Des ouvrages d’une finesse extraordinaire ornent de nombreuses vitrines. La culture du lin est exigeante. Elle requiert de bonnes terres et un climat tempéré, pluies fréquentes et températures modérées. On trouve ces conditions principalement dans les régions côtières de la Manche et de la Mer du Nord.

Il faut attendre 6 à 7 ans  entre chaque culture de lin. Qui n’a pas été ému et émerveillé en regardant un champ de lin. Le moindre petit souffle de vent fait varier le paysage à l’infini !

Les différents stades de la culture du lin sont les suivantes :

Mars-Avril : semis.  -  Mai : levée -  Juin : floraison - Juillet : arrachage en andain - Juillet-Août : rouissage - Septembre : enroulage et stockage.

Le rouissage est un processus qui, par l’action de micro-organismes naturels, permet la décomposition des pectines qui retiennent les fibres sur la tige. Cette transformation est obligatoire pour faciliter le teillage. Le rouissage à terre, le plus utilisé, consiste  à laisser l’andain sur la terre où il subira l’action alternée de la pluie et du soleil. Pour obtenir un rouissage homogène, un retournage de l’andain est nécessaire.

Le teillage : à partir de la paille rouie, le teillage consiste à extraire la fibre de lin brut, partie noble de la tige. Pour cela, on procède à un broyage puis à un battage de

la paille. Le lin ainsi teillé, constitué de fibres longues, représente environ 20 % du poids de la paille initial. Les autres sous-produits du teillage sont les étoupes (fibres courtes issues du battage) destinées à la filature au sec ou à la papeterie, les anas (déchets de bois) destinés à la fabrication de panneaux agglomérés ou de litières pour animaux et les graines destinées à l’alimentation et aux huileries.

Peignage et filature : à ce stade de transformation, le lin teillé doit être peigné, étalé, étiré de nombreuses fois jusqu’à obtention d’une mèche (ruban de fibres légèrement tordu). Cette mèche sera trempée dans l’eau à 70° pour ramollir les gommes naturelles, faire glisser les fibres élémentaires les unes sur les autres et obtenir ainsi un fil très fin et homogène, c’est le principe de la filature au mouillé.

Une autre méthode est employée pour la fabrication de fils de gros numéros ou de qualité ordinaire : c’est la filature au sec.

Tissage : le tissage consiste à entrecroiser un à un les fils disposés en long (la chaîne) avec les fils disposés en travers (la trame). Des métiers à tisser automatiques permettent la création de tissus de plus en plus élaborés, en pur lin ou mélangé avec d’autres fibres (tissus façonnés, damassés, serges, doupionnes, jacquards, velours). Les progrès techniques au niveau des fils et des métiers à tricoter ont permis également au lin de se développer dans la maille.

Le principal débouché du tissage est la confection (60%). Ensuite viennent le linge de maison (25%) et les tissus techniques (15%).

Hélas, trois fois hélas, comme pour beaucoup d’autres de nos productions nationales, c’est vers les pays émergeants, la Chine notamment, que tout part pour être traité et confectionné avant de revenir dans nos frontières et être vendu dans nos magasins, réduisant combien de petites entreprises familiales au chômage ? Qui pourra un jour arrêter cette hémorragie !                                         

La France cultive 85.000 hectares de lin, la Belgique 15.000 et la Hollande 10.000.          

Chanvre et lin, textiles de demain, plantes à bâtir l’avenir

Les matériaux écologiques respectueux de notre planète sont définis par les critères suivants : matériaux issus de ressources renouvelables, peu énergivores, indemnes d’émanation toxique, durables, recyclables et ne générant pas de déchets toxiques en fin de vie. Le lin et le chanvre remportent en la matière tous les suffrages et ils conquièrent peu à peu de nombreux secteurs en voie de développement.

Les applications du lin dans la construction.                                                       

Les fibres courtes non utilisées par l’industrie textile sont récupérées pour l’élaboration de feutres d’isolation. Cardé et aiguilleté, il est conditionné sous forme de panneaux et de rouleaux semi-rigides isolants thermiques et phoniques. Le lin a un excellent coefficient de conductivité thermique et un bon pouvoir hygroscopique : la laine de lin peut absorber 10 fois plus d’eau que la laine de verre sans se détériorer. Utilisé depuis plusieurs dizaines d’années comme matériau d’isolation dans les pays du nord de l’Europe, on ne lui connaît aucune limitation, aucun défaut quant à ses propriétés d’isolation, son impact sur l’environnement ou sur la santé des habitants. Les panneaux de laine de lin ne contiennent aucun  produit liant pouvant dégager des composés organiques volatiles. La matière convient pour des isolations de murs ou de toitures renforcés d’autant plus que son lambda est supérieur à celui du chanvre.     

Quant au chanvre, ses applications ne sont pas encore aussi développées.  Citons néanmoins la naissance de briques de chanvre qui sont composées d’un mélange de 10% de calcaire ou de chaux, additionné d’eau et surtout de chévenotte. Cette mixture est coulée dans des moules où elle est laissée à sécher. Les qualités les plus remarquables de ces briques sont leur contact chaleureux (pas d’impression désagréable de froid au toucher) et plus encore l’effet régulateur de chaleur qu’elles garantissent dans la maison : pas de déperdition en hiver ni de surchauffe en été

En conclusion :qui dirait que cette petite fleur bleue, violette ou blanche qui se balance délicatement au bout d’une longue fibre, des Flandres à la Normandie, produit une fibre naturelle, la plus résistante et la plus solide qui soit ?.

Après un bon repas,  l’après-midi nous a permis de visiter une ancienne ferme linière dont le propriétaire tient à conserver quelques souvenirs du passé. Si le tout est présenté d’une manière un peu, si pas fort, chaotique et dans une atmosphère des plus poussiéreuses, l’on peut néanmoins y suivre l’évolution de ce travail qui était des plus pénibles. La découverte de nouvelles ressources énergétiques comme la vapeur, le gaz et finalement l’électricité entraîna l’invention de machines plus adaptées.

Vers 1900, on construisit selon le principe du battage à la main la batteuse à maillets. Elle comporte 4, 6 ou 8 pièces de bois alignées qu’entraînent des poulies excentrées.

Vient ensuite l’égreneuse qui, composée de peignes rotatifs, sépare les capsules des tiges de lin.

Puis c’est au tour du broyage et du teillage qui permettaient anciennement le transport du lin vers les filatures.

Le rouissage artificiel ou à l’eau chaude a donc remplacé le rouissage en eau de la Lys. Le lin, mis en bonjeaux, sortes de bottes, est placé verticalement dans des cuves en ciment. Les réservoirs étaient remplis d’eau que l’on portait à 30°. Ce mode de rouissage qui s’est vraiment répandu après la première guerre mondiale impliquait des investissements importants et des frais de chauffage. Par contre l’opération se faisait en l’espace de 3 à 5 jours, d’où gain de temps considérable et un lin roui de façon homogène et pure.

Voici pour terminer quelques chiffres indiquant ce que produisent 1.000 kg de lin.

  • Le lin teillé produit 110 Kg de teille utilisés pour le filage.
  • Les déchets : 50 Kg entrent dans la fabrication du papier.
  • L’étoupe : 80 Kg utilisés pour la corderie Les anas : 350 Kg utilisés en meublerie
  • La balle : 80 Kg servant au fourrage
  • Les graines : 110 Kg sont partagées entre la pharmacie, l’huilerie et graines à semer, pour les usines de peinture ainsi que les tourteaux pour le fourrage.
  • Enfin, les 20 derniers Kg terre et poussière servent à des engrais organiques.

Vous remarquerez que l’on atteint suivant ce décompte : 800 Kg. La différence résulte dans le fait que pendant le rouissage le poids du lin se réduit de 20 % à cause de l’élimination des matières gommeuses.

Ces chiffres ne sont peut-être pas les plus récents. L’agriculture a peut-être fait des progrès pour avoir de meilleures performances. Autre et dernière question : n’utilise-t-on pas de graines O.G.M ?

Les participants ont, d’après ce qu’ils m’ont dit été ravis de ce que nous avons encore pu apprendre au cours de cette journée. Tant mieux et merci pour votre nombreuse participation !